Bellefleur Légal

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Discours contre le projet de loi 21 sur la laïcité de l'État, Montréal, Mai 2019

(discours prononcé lors de l’évènement de chaine humaine organisé par la Coalition Inclusion Québec le 5 mai 2019, autour du Palais de justice de Montréal)

Nous sommes rassemblés cet après-midi pour défendre le respect de la neutralité religieuse de l’État, face à un projet de loi qui ne respecte pas cette neutralité.


Un État neutre se doit de protéger les droits et libertés de tous ses citoyens, sans discrimination basée sur la religion ou sur l’absence de croyance religieuse.

Prétendre par ailleurs que l’application d’une loi identique pour tous est en soi une preuve de neutralité et d’égalité relève d’un manque de connaissance de base des principes juridiques en cause.

Plus inquiétant encore, nous assistons aujourd’hui à une dégradation et à une fragilisation inquiétante de l’État de droit, par le recours à titre préventif aux clauses dérogatoires des Chartes qui vise à empêcher le contrôle de la légalité du projet de loi par les tribunaux.

Par la modification du texte quasi constitutionnel de la Charte québécoise en l'absence d'un consensus parlementaire (du jamais vu depuis 1975) et la possibilité d’un bâillon parlementaire, un geste particulièrement grave lorsqu'il s'accompagne de restrictions aux droits fondamentaux.

Dans le débat actuel qui entoure le Projet de loi 21, gardons nous par ailleurs de mélanger des concepts qui ne sont pas équivalents. Puisqu’on en entend beaucoup parler, il est ainsi important de rappeler que le concept juridique de « droits collectifs » est fondamentalement différent du concept sociopolitique de « volonté de la majorité ».

Jamais le concept de « droit collectif » tel qu’il a été développé en droit, n’a été conçu comme un outil pouvant permettre à une majorité détenant le pouvoir, de violer les droits fondamentaux d’une minorité, et encore moins sans avoir à s’en justifier! La volonté de la majorité sera toujours soumise aux lois constitutionnelles dans un État de droit digne de ce nom.

Malgré l’usage de la clause dérogatoire dans le Projet de loi 21, vous pouvez compter sur les juristes pour trouver des angles d’attaques juridiques innovateurs et intelligents afin de contester la loi devant les tribunaux.

En attendant, je suis fière de me trouver aujourd’hui entourée de plusieurs collègues.

Il appartient en effet aux avocates et aux avocats du Québec de s’opposer à un projet de loi qui porte atteinte aux droits et discrimine, sans motif réel et urgent, certains de leurs confrères, de leurs consœurs, et de leurs concitoyens en général.

Nous ne sommes pas ici pour demander un traitement de faveur ni pour sauver quelques carrières. Nous sommes ici pour défendre une véritable neutralité de l’État et des institutions étatiques, dans une société libre et démocratique telle que le Québec.